Les principaux dispositifs de la montée en compétences
- s.lathiere
- 3 mai 2019
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mai 2019
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » est rentrée en application le 1er janvier 2019. Quel est l’incidence sur les obligations des employeurs en termes de formation professionnelle ?
Je vous propose ici un focus qui porte sur l’obligation pour les employeurs de mettre en œuvre des formations permettant une réelle montée en compétence de leurs salariés.

1- Pourquoi une obligation de montée en compétences ?
La loi « Avenir professionnel » a modifié le fonds de la politique de formation. Il ne s’agit plus pour l’employeur « uniquement » de former mais de faire monter ses salariés en compétences. Bien sûr, cet objectif de résultat était déjà l’enjeu du plan de formation pour de nombreuses entreprises mais la nouvelle loi l’affirme désormais : le plan de formation devient le plan de développement des compétences, l’action de formation est désormais « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance. Elle peut également être réalisée en situation de travail » (L. 6313-2 du Code du travail). C’est le résultat qui est visé, l’objectif de la formation : la montée en compétences.
2- Quels sont alors les dispositifs utilisables pour cette montée en compétences ?
Selon l’article L6313-1, « les actions concourant au développement des compétences qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle sont :
1° Les actions de formation ;
2° Les bilans de compétences ;
3° Les actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience ;
4° Les actions de formation par apprentissage (au sens de l'article L6211-2) »
Les bilans de compétences :
Le bilan de compétences n’est pas à proprement parler une action qui permet une montée en compétences du salarié. Il concourt au bien-fondé du plan de développement des compétences car il permet au salarié concerné de faire un point sur sa carrière, ses compétences et motivations et de préciser un projet d’évolution professionnelle, et du coup de définir un plan d’action de développement de ses compétences.
Le bilan de compétences est éligible au compte personnel de formation (=CPF).
Il peut néanmoins être réalisé dans le cadre du plan de développement des compétences. Le coût du bilan est alors à la charge de l’employeur et une convention écrite doit être conclue entre l'employeur, le salarié et le prestataire du bilan de compétences.
Cette convention doit comporter les mentions suivantes :
« 1° L'intitulé, l'objectif et le contenu de l'action, les moyens prévus, la durée et la période de réalisation, les modalités de déroulement et de suivi du bilan ainsi que les modalités de remise des résultats détaillés et du document de synthèse ;
2° Le prix et les modalités de règlement. »
Le salarié dispose d'un délai de dix jours à compter de la transmission par son employeur du projet de convention pour faire connaître son acceptation en apposant sa signature. L'absence de réponse du salarié au terme de ce délai vaut refus de conclure la convention.
La VAE :
La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) permet, à un salarié, qui justifie d’au moins un an d’expérience, en rapport direct avec la certification visée, d’obtenir une certification professionnelle en faisant valider son expérience acquise dans le cadre d’une activité professionnelle et/ou extra-professionnelle.
Quelles sont les modifications de la VAE liées à la loi « Avenir professionnel » ?
L’article 6422-1 consacre un vrai droit au congé de VAE. La formulation n’est plus que le salarié « peut bénéficier » mais « le salarié bénéficie » d’un congé pour faire valider les acquis de son expérience ! Si la durée de la validation des acquis de l’expérience est toujours de 24heures (mais par session d’évaluation et non plus par sessions de validation), cette durée (considérée comme du travail effectif) est désormais payée par l’employeur au salarié et ne fait plus l’objet de financement.
La validation peut être partielle par rapport à une certification visée et l’employeur peut alors construire un parcours, complétant la VAE par une formation, afin d’atteindre l’objectif de certification.
Le contrat d’apprentissage :
Avec la loi « Avenir professionnel », les modalités du contrat d’apprentissage ont évolué :
- l’âge minimum est de 16 ans (cas général) et la limite d’âge a été repoussé à 29 ans révolus,
- la durée du contrat est comprise entre 6 mois et 3 ans (contre 1 an minimum auparavant),
- il est désormais possible pour un apprenti de démarrer son apprentissage sans employeur (dans la limite de 3 mois),
- l'entrée en formation peut se faire à tout moment, selon le calendrier d'actions proposé par le CFA,
- les mineurs bénéficient d’une durée du travail assouplie,
- le contrat d'apprentissage peut être exécuté en partie à l'étranger (une mobilité hors UE est possible),
- La formation peut être effectuée en tout ou partie à distance, avec un suivi par le centre de formation,
- la rupture du contrat d’apprentissage a été facilitée,
- le « marché des CFA » a été ouvert. La libéralisation du Centre de Formation par l’Apprentissage (=CFA) permet aux entreprises ou groupes d’entreprise de créer ou développer leur CFA ou de signer un partenariat avec un CFA. Ainsi Accor, Adecco, Korian et Sodexo ont signé un accord, en début de mois, pour la création d’un CFA commun pour les métiers de la cuisine et de la restauration.
"Créer notre propre CFA nous permet de prendre la main sur le contenu pédagogique. Plutôt que de travailler avec plusieurs CFA, aux contenus pédagogiques parfois différents, nous pouvons cibler nos formations, les faire évoluer en fonction de nos besoins et de nos outils et ainsi de gagner en efficacité", précise Accor dans une interview de Caroline Lelievre publiée sur TourMaG.com. C’est une réelle piste pour les grandes entreprises … mais est moins accessible pour une PME.
- à compter du 1er janvier 2019, une aide unique sera instaurée pour les entreprises de moins de 250 salariés qui emploient un apprenti préparant un diplôme de niveaux IV (Bac) et V (CAP), remplaçant les aides financières et exonérations de cotisations sociales pour les employeurs d’apprentis (article L6243-1)
A savoir : l’apprenti sous contrat, âgé d'au moins 18 ans, peut bénéficier d'une aide au financement du permis de conduire.
Les actions de formation :
Une action de formation consiste en « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. Elle peut être réalisée en tout ou partie à distance. Elle peut également être réalisée en situation de travail » (L. 6313-2 du Code du travail).
Différentes modalités sont possibles (coaching, learning expedition, …) mais il faut veiller, pour rester dans le cadre juridique de l’action de formation, à ce qu’il y ait un parcours et un objectif professionnel !
La loi précise les conditions de mise en œuvre de l’AFEST et des formations tout ou partie à distance. Nous allons le voir ci-après.
3- La mise en œuvre de la montée en compétence
Afin de fiabiliser la montée en compétence réelle de l’apprenant, la formation doit respecter certaines conditions de mise en œuvre.
> Pour les actions de formation qui se déroulent, en tout ou partie, à distance ou en situation de travail
Il ne s’agit pas juste de proposer un module e-learning à distance. Les apprenants doivent être accompagnés tout au long de leur parcours d’apprentissage. Les conditions décrites par le décret n°2018-1341 du 28 décembre 2018 concernent l’encadrement du parcours pédagogique des actions de formation qui se déroulent, en tout ou partie, à distance ou en situation de travail. Ainsi :
a- « La mise en œuvre d'une action de formation en tout ou partie à distance comprend :
- Une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours ;
- Une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne ;
- Des évaluations qui jalonnent ou concluent l'action de formation. »
b- « La mise en œuvre d'une action de formation en situation de travail (=AFEST) comprend :
- L'analyse de l'activité de travail pour, le cas échéant, l'adapter à des fins pédagogiques;
- La désignation préalable d'un formateur pouvant exercer une fonction tutorale ;
- La mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d'observer et d'analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d'expliciter les apprentissages ;
- Des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l'action. »
Notons que ce n’est pas forcément le manager de l’apprenant qui est toujours le mieux placé pour accompagner ce dernier. L’accompagnement peut être un pilotage externe (par exemple par un organisme de formation). Toutefois le manager contribue activement au bon déroulement du parcours de développement des compétences.
> Pour les actions de formation bénéficiant d’un financement sur fonds public ou mutualisé (hors CPF) :
Elles font l’objet d’une convention (article L. 6353-1) entre le prestataire et le client. Cette convention comporte :
« - L'intitulé, l'objectif et le contenu de l'action, les moyens prévus, la durée et la période de réalisation, ainsi que les modalités de déroulement, de suivi et de sanction de l'action ;
« - Le prix de l'action et les modalités de règlement.
Notons que les bons de commandes ou les devis approuvés peuvent tenir lieu de convention s'ils satisfont aux prescriptions ci-dessus, ou si une de leurs annexes y satisfait.
Notons qu’afin d’obtenir un financement sur des fonds mutualisés, ces actions de formation doivent alors respecter les critères qualité (décret 2015) jusqu’au 31/12/2020 et devront être assurées par des organismes de formation certifiés dès le 1er janvier 2021 (certification nationale unique). Cette certification qualité doit permettre de veiller à ce que les conditions de la montée en compétence réelle de l’apprenant soient mises en œuvre.
> Pour les autres actions de formation, financées sur fonds propres de l’entreprise :
L’entreprise peut faire preuve de créativité pour la mise en œuvre de ces actions. Elle devra toutefois penser à la traçabilité de l’action de formation (parcours- objectif professionnel) pour pouvoir la prendre en compte dans l’entretien professionnel bilan réalisé tous les six ans.
Si la loi laisse plus de liberté pour ces actions de formation, l’entreprise doit être en mesure de mesurer l’atteinte de l’objectif professionnel, la finalité restant bien sûr la montée en compétence du salarié.
4 – Les autres dispositifs de formation
Certains dispositifs existent toujours tels que la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle, le contrat de professionnalisation et le CPF; d’autres sont apparus : ProA et CPF de transition professionnelle ; et certains ont disparu tels que la période de professionnalisation et du congé individuel de formation.
La préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (=POEI) existe toujours.
Public visé : tout demandeur d'emploi inscrit à Pôle Emploi, répondant à une offre d’emploi déposée auprès de Pôle Emploi par un employeur qui s’engage à recruter le demandeur d’emploi en CDI, CDD ou contrat d’alternance de 12 mois minimum, à l’issue d’une action de formation préalable de 400 heures maximum. La durée de travail hebdomadaire ne peut pas être inférieure à 20 heures.
Objectif : résorber l'écart entre les savoir-faire du candidat retenu et les compétences requises par le poste. Le plan de formation et élaboré en collaboration par l’entreprise et Pôle Emploi.
Financement : par Pôle emploi. L’entreprise ne verse aucune rémunération au stagiaire durant la formation et Pôle emploi contribue, sur la base d’un montant plafonné, aux frais pédagogiques.
le contrat de professionnalisation :
Ce dispositif d’alternance a été peu modifié par la loi « Avenir professionnel ».
Public visé : Personnes âgées de 16 à 25 ans révolus afin de compléter leur formation initiale ; Demandeurs d’emploi âgés de 26 ans et plus ; Bénéficiaires de minima sociaux.
Objectif : l’acquisition de compétences définies par l’employeur et l’OPCO, en accord avec l’apprenant. La finalité qualifiante, et pas seulement certifiante, de ce contrat d’alternance le distingue notamment du contrat d’apprentissage.
Et depuis la loi « Avenir professionnel », il est possible, à titre expérimental, et pendant une durée de 3 ans (01/01/2019 – 31/12/2021), de conclure un contrat de professionnalisation qui ne soit ni certifiant ni qualifiant, avec une durée maximale portée de 24 à 36 mois.
Financement : La rémunération de l’apprenant varie selon l’âge et le niveau de formation. Pour ce qui est de la prise en charge l’employeur doit voir avec son OPCO.
La pro-A :
Il s’agit également d’un dispositif d’alternance (formation théorique/ activité professionnelle) spécifique et nouveau. Sa durée est de 6 à 12 mois, pendant lesquels l’apprenant réalise des actions de positionnement, d'évaluation, d'accompagnement et d’enseignement représentant entre 15% et 25% (sans pouvoir être inférieures à 150 heures) de la durée de la pro-A.
Public visé : salariés en CDI, aux salariés bénéficiaires d’un contrat unique d’insertion (CUI) à durée indéterminée et aux salariés, sportifs ou entraîneurs professionnels, en CDD, n’ayant pas atteint un niveau de licence.
Objectif : un changement de métier ou de profession, ou une promotion sociale ou professionnelle, via l’obtention d’une qualification reconnue telle que :
. un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au RNCP ;
. un certificat de qualification professionnelle (CQP) ;
. une qualification reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale de branche.
Le dispositif Pro-A doit permettre d’atteindre un niveau de qualification supérieur ou identique à celui déjà détenu par le salarié.
Financement : le financement des coûts de formation est assuré par l’OPCO selon un montant forfaitaire. Il convient donc de consulter son OPCO pour connaître les modalités de prise en charge.
Remarque : il est alors obligatoire de signer un avenant au contrat de travail, précisant la durée et l’objet de l’action de formation envisagée et de désigner un tuteur, chargé d’accompagner le bénéficiaire de la pro-A.
Le compte personnel de formation (=CPF)
Depuis le 1er janvier 2019, ce compte est alimenté en euros et non plus en heures. Ce compte recense les droits acquis par le salarié et les formations dont il peut bénéficier personnellement. Là aussi, ce n’est pas à proprement parler une action qui permet une montée en compétences du salarié, mais plutôt un outil. C’est le salarié qui décide comment utiliser son compte, qui choisit ses formations et devient ainsi acteur de son avenir professionnel.
Public visé : salarié, membre d'une profession libérale ou d'une profession non salariée, conjoint collaborateur ou demandeur d’emploi et depuis peu les travailleurs indépendants.
Objectif : les formations éligibles au CPF doivent permettre à l’apprenant :
d'acquérir une qualification (diplôme, titre professionnel, etc.),ou d'acquérir le socle de connaissances et de compétences,ou d'être accompagné pour la VAE,ou de réaliser un bilan de compétences,ou de préparer l'épreuve théorique du code de la route et l'épreuve pratique du permis de conduire,ou de créer ou reprendre une entrepriseou, pour les bénévoles et volontaires en service civique, d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Financement : lorsque la formation sur CPF est effectuée pendant le temps de travail l'employeur maintient la rémunération du salarié. Si la formation a lieu hors temps de travail, le temps de formation ne donne pas droit à rémunération.
L’employeur peut envisager de co-construire un parcours de formation, avec l’accord du salarié, en abondant son compte CPF pour des parcours intéressant à la fois le salarié et l’entreprise. La caisse des dépôts et consignations doit encore préciser les modalités d’abondement par l’entreprise, l’application CPF n’étant pas encore finalisée (annoncée pour l’automne).
A noter : ce dispositif peut être cumulé avec les dispositifs suivants : la pro-A, le CPF de transition ou une formation prévue dans le plan de développement des compétences.
Adieu congé individuel de formation, bonjour CPF de transition !
Le congé individuel de formation (=CIF) qui était un congé permettant au salarié de suivre une formation longue pour se qualifier, évoluer ou se reconvertir est transformé en CPF de transition, appelé aussi projet de transition professionnelle (PTP).
Public visé : Les conditions d’ancienneté à respecter sont définies dans la loi (pour le cas général : 24 mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, dont 12 mois dans l'entreprise).
Objectif : Il peut être utilisé pour financer des formations certifiantes, éligibles au CPF, en lien avec le projet de l’apprenant, destinées à permettre au salarié de changer de métier ou de profession.
Financement : Lorsque le projet de transition professionnelle est réalisé sur le temps de travail, le salarié bénéficie de la rémunération prévue à l'article L. 6323-17-5 pendant la durée de son projet, sous réserve de son assiduité nécessaire à l'obtention de la certification prévue par le projet de transition professionnelle. Cette rémunération est versée directement au salarié par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR) pour les entreprises de moins de cinquante salariés et est remboursée à l’employeur pour les entreprises d’au moins cinquante salariés.
Les frais pédagogiques et les frais afférents à la formation suivie dans le cadre du projet de transition professionnelle sont pris en charge par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR).
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